Les trois entreprises brassicoles du Cameroun que sont Guinness Cameroun, Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC) et Union camerounaise des brasseries (UCB) accueillent au sein de leurs différentes installations à Douala des membres du ministère des Finances (Minfi). La descente est programmée pour cette semaine du 12 au 19 décembre 2021.
Selon nos informations, il ne s’agit pas d’une visite de courtoisie, mais de la mise en place d’un marquage fiscal agressif. Le Minfi vient matérialiser une décision prise il y a quatre ans d’introduire le codage en encre sur les capsules, ce qui lui permettrait d’avoir une traçabilité mathématiquement irréfutable des produits brassicoles, allant de leur date de fabrication aux stocks en magasins, ventes ainsi que toute information nécessaire aux impôts. Jusque-là, aucun problème en apparence.
Sauf qu’en face, la nouvelle mesure, observe-t-on, est lourde de conséquences. L’on projette déjà que l’acquisition d’un codeur de date additionnel pour imprimer une deuxième série de code sur les capsules demande un capital initial d’investissement de 20 millions de FCFA. La durée de vie optimale de cet appareil est de trois ans, temps après lequel il faut le changer. En plus, côté maintenance, il faudra 60 millions par an, ce qui intègre l’exploitation, l’amortissement, les pièces de rechange, le support technique et les consommables, pour éviter tout arrêt du circuit.
En dehors de cela, le codage en encre sur leurs capsules, analysent les experts, aura un impact négatif sur le design actuel des bouchons qui répond aux objectifs de marketing des trois entreprises. Les structures concernées devraient débourser, chacune, un montant d’environ 48 millions de FCFA pour refaire la conception artistique de leurs capsules afin d’accommoder le marquage fiscal déjà arrêté.
Des arguments avancés au Minfi sont nombreux. Il lui est expliqué que le pouvoir d’achat en volume de bière par habitant a chuté de l’ordre de -5 % sur les cinq dernières années et cette tendance s’accélère depuis la crise sécuritaire. La rentabilité des entreprises brassicoles a chuté de 60 % en l’espace de 4 ans pour atteindre aujourd’hui 4 % de rentabilité nette. Ainsi donc, pour joindre les deux bouts, la mesure en application ne pourra pas ne pas avoir une incidence sur le prix de vente, observe-t-on.
Dans ce maelstrom de chiffres pas rassurant, se pointe un acteur choisi par le Minfi pour intégrer le codage en encre sur les capsules des produits brassicoles. Il s’agit de la Société industrielle et commerciale de produits alimentaires (SICPA), une entreprise suisse, basée à Lausanne. Cette entreprise, selon des media internationaux, est une championne des mauvaises pratiques.
SICPA
Selon Jeune Afrique (http://www.jeuneafrique.com/5345/economie/maroc-enquête-sur-le-contrat- controversé-de-sicpa/) SICPA au Maroc est noyée dans des cas de corruption avérés de la part de ceux en charge de la mise en œuvre d’un marché public. Sur http://www.mediamaxnetwork.co.ke/news/252159/swiss-company-reaping- billions-kra-tender/, l’on a des détails sur l’impact financier de la vignette sur la bouteille pour Coca Cola au Kenya. L’article fait également cas des pays où SICPA est sur une liste noire compte tenu de sa manière particulière d’obtenir des contrats. http://allafrica.com/stories/201610280817.html indique qu’au Kenya SICPA est mal appréciée. Il fait aussi un bref résumé de ce qui s’est passé au Brésil et en Albani. http://www.lemondedutabac.com/maroc-sicpa-gagne-a-nouveau-le- marche-de-la-traçabilité-tabac-et-alcool/. Cet article montre qu’avec l’arrivée de SICPA les ventes ont chuté de 27 % au Maroc entre 2012 et 2014, tout comme 200 ont été emplois perdus.
Au Cameroun, des experts restent convaincus que le codage en encre sur les capsules n’apporte aucune valeur ajoutée car l’Agence de Normalisation (ANOR) et le ministère des Mines, des industries et du développement technologique (MINMIDT) font déjà des contrôles serrés et l’administration fiscale procède régulièrement à la vérification générale de la comptabilité des entreprises brassicoles implantées au Cameroun.
Par ailleurs, les équipements des trois entreprises sont accessibles à l’administration fiscale qui, depuis la loi de finances 2016, dispose du droit de contrôle des stocks tant des matières premières que des produits finis. La loi donne aussi la possibilité à l’administration fiscale d’avoir accès aux différents logiciels utilisés par les entreprises pour la gestion des stocks. Des éléments qui visiblement ne satisfont pas le Minfi. Et donc, avec le nouveau marquage fiscal, il est évident que la bière coute plus chère en 2022, même si, pour l’heure, rien ne filtre encore sur la majoration possible.
Aloys Onana