Cette réunion tenue à Paris le 17 avril laisse planer un nuage sombre, synonyme d’une situation économique très délicate au sein de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC).
Le communiqué de presse rendu public le 18 avril 2025 suscite un commentaire à Louis Marie Kakdeu, économiste. « CEMAC, ça craint ! Les finances de la CEMAC ne sont pas bonnes du tout. Les ministres et gouverneurs ont été convoqués en France. Il faut retenir deux mots-clés de cette rencontre : Résilience et solidarité. La résilience signifie en réalité austérité. En un mot, les citoyens devraient encore supporter. Il y aura encore un tour de vis pour sauver les équilibres financiers. Et il est attendu des pays de la CEMAC qui se portent mieux de manifester leur solidarité à l’endroit de ceux qui sont déjà en faillite. »
Dans le détail, ce communiqué laisse en effet entrevoir une situation financière peu reluisante en zone CEMAC, ce qui va nécessiter de nombreuses rencontres entre la France et les Etats de ce bloc économique jusqu’en 2026 voire plus, pour faire face à la morosité économique qui caractérise les six Etats de la sous-région, tous secoués depuis 2017 par le stock très fluctuant des devises malgré la mise en circulation de la nouvelle réglementation des changes en 2018.
Les travaux de Paris, convoqués par Eric Lombard, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique de la République française et de Ivan Bacale Ebe Moulina, ministre des Finances, de la Planification et du développement Economique de la République de Guinée Equatoriale, par ailleurs président du comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale avaient pour thème : « Comment renforcer la résilience des économies de la CEMAC en 2025 et quelle intégration régionale envisager demain ? »
Si en apparence rien ne fait sursauter ici, en filigrane les travaux de Paris consistaient à se serrer les coudes face à la guerre commerciale imposée par Donald Trump, même si celle-ci connaît un arrêt momentané de 90 jours depuis le 11 avril. « Dans le contexte de risque sécuritaire, économiques, climatiques, financiers et commerciaux, les Ministres de l’Economie et des Finances, les Présidents des institutions régionales et les gouverneurs des Banques centrales ont réaffirmé leur attachement à la solidarité régionale face aux chocs, au moyen de politiques cohérentes et coordonnées. Ils ont également renouvelé leur attachement à un commerce mondial fondé sur des règles multilatérales et affirmé leur volonté de poursuivre la diversification des économies pour accroitre leur résilience. »
Par ailleurs, le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEMAC à Yaoundé en décembre 2024 avait été la conséquence d’une situation macro-économique sous-régionale terne, avec à la clé, l’amincissement du stock des devises, boulevard qui conduisait la sous-région à la dévaluation de sa monnaie. Ce boulevard-là manifestement ne s’est pas rétrécit, tout comme le FMI est encore dans nos murs pour longtemps.
« Les participants ont rappelé l’importance d’œuvrer à une croissance économique soutenable et inclusive, notamment en assurant la mise en œuvre des conclusions de la Session extraordinaire de la Conférences des Etats de la CEMAC qui s’est tenue à Yaoundé le 16 décembre 2024. Pour cela, les États s’engagent à poursuivre en 2025 les efforts pour la bonne mise en œuvre des programmes appuyés par le FMI et la conclusion de nouveaux programmes dans la zone afin d’accompagner la consolidation budgétaire et la mise en œuvre des réformes, d’assurer la viabilité de leurs finances publiques et de renforcer davantage les réserves de change de la zone. »
En rappel, dans son discours à Abuja le 14 avril dans le cadre de la 14e cérémonie de remise des diplômes de l’Université ouverte nationale du Nigéria (NOUN), Akinwumi Adesina le président de la Banque africaine de développement (BAD) a analysé que la guerre commerciale imposée au monde par Donald Trump pourrait avoir un chapelet de conséquences car, a-t-il confié, « 47 des 54 pays africains ont été soumis à des droits de douane américains plus élevés. Les effets directs immédiats de ces tarifs sur les pays africains se traduiront par une réduction significative des exportations et de la disponibilité des devises. Cela provoquera d’autres ondes de choc dans les économies africaines », « les monnaies locales s’affaibliront en raison de la réduction des recettes en devises. L’inflation augmentera en raison de la hausse des coûts des biens importés et de la dévaluation des monnaies par rapport au dollar américain. Le coût du service de la dette en tant que part des recettes publiques augmentera en raison de la baisse des recettes attendues. »
Aloys Onana