Économie du Cameroun vous livre la synthèse du récent rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême portant sur l’ ‘’Examen de la gestion de l’Eau et de l’énergie, (programme 422 ‘’accès à l’énergie’’ exercice 20217-2021. Le ministre de l’Eau et de l’énergie (Minee) Gaston Eloundou Essomba [photo] est appelé à plus d’ardeur au travail.
(…)Si la gestion matérielle et financière de ce programme est appréciable en raison du respect des principes d’exécution du budget et d’un recours marginal aux procédures dérogatoires, le pilotage de ce programme a laissé entrevoir quelques faiblesses, principalement l’absence de cohérence ou de synergie entre les différents acteurs intervenant dans la chaîne d’exécution des projets d’électrification.
En termes de dotations budgétaires, le programme 422 a consommé 171,2 milliards FCFA de crédits en 5 exercices, soit une moyenne de 34,2 milliards FCFA par an, ce qui représente 17,9% des dépenses du MINEE. Cependant, aucun crédit n’a financé l’action 3 (développement de l’accès aux produits pétroliers et du gaz), qui a été en réalité prise en charge de façon massive par d’autres organismes, notamment la CSPH.
Des principaux constats
1. Le nombre de ménages connectés au réseau électrique a certes augmenté de 34,3% entre 2018 et 2021, mais la Chambre relève des dysfonctionnements dans les branchements en zone rurale
Le nombre de ménages connectés au réseau électrique est passé de 1,258 millions d’abonnés en 2018 à 1,690 millions en 2021, soit une hausse substantielle de 34,3%. Si le taux d’accès à l’électrification est ainsi passé pour la même période de 64,3% à 71% pour l’ensemble du territoire, l’objectif de 99% à l’horizon 2035 fixé par le Plan Directeur d’Electrification Rurale (PDER) en zone rurale sera difficile à atteindre sans un effort supplémentaire. Alors que la population restant à connecter habite dans les zones les moins densément peuplées du pays, la Chambre a constaté des dysfonctionnements en zone rurale, dans les opérations de branchement. Il s’agit en particulier, des refus de branchements dès lors qu’ils nécessitent une extension de réseau au-delà de 100 mètres, ainsi que l’absence d’installation d’équipements de branchement pourtant facturés et payés par les clients. Ces dysfonctionnements risquent de peser sur l’évolution à venir du taux de raccordement au réseau électrique s’ils ne sont pas corrigés.
2. La qualité de service reste insuffisante en l’absence d’amélioration de la durée et la fréquence des interruptions de fourniture électrique
Les indicateurs de performance assignés à la société ENEO visant à réduire la fréquence et la durée des interruptions de fourniture électrique ne montrent pas d’amélioration substantielle pendant la période sous contrôle. Le nombre de délestages a été multiplié par 4 entre 2018 et 2021, alors que la durée moyenne d’interruption est passée de 98,5 minutes en 2018 à 142,7 minutes en 2020, avant de revenir à 43,7 minutes en 2021. En zone rurale, les résultats apparaissent dégradés par rapport aux performances obtenues en zone urbaine, avec des interruptions sur des périodes plus longues, de plusieurs semaines, voire plusieurs mois au cours d’une année.
Les contrôles sur place effectués par la Chambre ont permis de constater l’insuffisante qualité de service liée à des problèmes de baisse ou de hausse de tension, de transformateurs moyenne/basse tension à l’arrêt, et au mauvais entretien des réseaux de distribution, dont les supports en bois sont souvent vétustes et de faible durée.
Le volume d’énergie produite mais non distribuée est passé de 71,3 GWh en 2019 à 103,5 GWh en 2020. Cela est dû à plusieurs facteurs dont principalement la vétusté du réseau de transport et de distribution, des travaux programmés sur le réseau et la limitation de puissance du barrage de Lagdo qui alimente le réseau interconnecté nord (RIN) et qui a connu une baisse de son hydrologie, passant de 2 milliards de m3 d’eau en 2020 à 1,7 milliards de m3 en 2021.
3. L’inégale répartition des points de distributions handicape l’accès des produits pétroliers et du gaz dans certaines régions
La Chambre observe que le réseau de distribution des produits pétroliers et du gaz est inégalement réparti sur toute l’étendue du territoire. Cette situation compromet l’accès à cette source d’énergie pour une grande partie de la population des régions du Grand-nord. La Chambre recommande au MINEE de poursuivre la politique de densification du réseau de distribution des produits pétroliers et du gaz dans ces régions. La Chambre relève par ailleurs l’insuffisance de contrôle des produits pétroliers et du gaz par les délégations régionales du MINEE en charge de la répression et de la saisie des produits pétroliers issus de la fraude.
4. La production des centrales solaires progresse dans un contexte où la part globale des énergies renouvelables dans le mix énergétique reste faible
Le projet d’électrification intitulé “166 et 184 localités par systèmes solaires photovoltaïques au Cameroun”, réalisé par l’entreprise HUAWEI et dont les centrales solaires ont été rétrocédées à l’AER, a connu un niveau d’exécution satisfaisant. Le contrôle sur place d’un échantillon de ces centrales solaires a permis de constater l’effectivité de leur mise en œuvre avec des installations fonctionnelles qui assurent une fourniture régulière des ménages en courant électrique.
5. Les subventions visant à promouvoir l’accès à l’énergie, qui ne font pas partie du programme 422, ont pesé sur le budget de l’Etat à hauteur de 670,9 milliards FCFA entre 2017 et 2021
Si l’action 3 relative à la politique d’accès aux produits pétroliers et au gaz ne comporte aucun crédit au titre du programme 422, pour autant une politique de subvention visant à maintenir des prix bas est mise en œuvre avec des financements extérieurs au MINEE, qui affectent lourdement le budget de l’Etat. Entre 2017 et 2021, les produits gaziers ont été subventionnés à hauteur de 152,6 milliards FCFA et les produits pétroliers à hauteur de 518,3 milliards FCFA. La Chambre note que le gouvernement a relevé les prix des produits pétroliers et gaziers en 2023 et en 2024, afin de diminuer le poids de ces subventions dans le budget de l’Etat.
6. Des compensations opérées du fait de l’augmentation des moins perçus sur produits pétroliers
Des moins perçus et autres manques à gagner issus des différentiels d’importations, de la politique du maintien des prix et ceux liés à la remontée par voie ferroviaire ont entrainé des compensations de la part de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH) à pour un montant d’environ 780 milliards de FCFA. Les compensations sus relevées de la CSPH constituent un gouffre budgétaire pour lequel l’Etat doit prendre des mesures correctives.
7. Le rapport de performance du programme 422 et ses indicateurs de performance doivent être profondément remaniés
La Chambre relève enfin que les rapports de performance du programme 422 sur la période 2017-2021 ne sont ni pertinents, ni fiables et qu’ils comportent des insuffisances et des incohérences majeures. Ainsi, l’objectif assigné à l’action 4 « développement des sources d’énergie renouvelables autres que le bois » consistait en 2019 à « augmenter la capacité de raffinage des hydrocarbures », alors que les hydrocarbures ne sont pas des énergies renouvelables. L’indicateur de résultat de l’action 3 « Développement de l’accès aux produits pétroliers et du gaz » en 2020 était la « quantité de gaz domestique mise à la consommation », et faisait donc l’impasse sur les produits pétroliers. En 2019, la Chambre relève une incohérence entre la dotation révisée de l’action 1 de 377,2 millions FCFA, et une consommation des crédits de paiement de 433,5 millions FCFA, supérieure à la dotation. Quant aux taux de réalisation technique, ils apparaissent soit insuffisants au regard des crédits consommés, soit non renseignés, ce qui souligne à nouveau la faible pertinence des indicateurs de performance.
Enfin, les rapports de performance ne donnent aucune information sur l’action 3 « développement de l’accès aux produits pétroliers et du gaz », largement prise en charge en dehors du programme 422 (cf supra § 5) mais dont certains volets relèvent du MINEE, ni sur l’action 5 « maîtrise de l’énergie », qui semble non mise en œuvre. Dans ces conditions, la Chambre s’interroge sur l’intérêt de maintenir l’action 5 au sein du programme 422.