Le sommet extraordinaire du 16 décembre à Yaoundé s’est soldé par la mise de tout le bloc économique CEMAC sous la botte du Fonds monétaire international (FMI).
Le sommet extraordinaire des chefs d’États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) s’est refermé sur plusieurs résolutions. Deux retiennent l’attention. Les partenaires au développement sont invités à « ouvrer pour la conclusion des revenus de leurs accords avec la République du Cameroun, la République du Congo, veiller à un réajustement budgétaire à dimension sociale et préservant l’investissement, assurer la mise en œuvre des politiques et des réformes structurelles en vue de la consolidation de la croissance économique et la stabilité monétaire. »
Les autres États de la sous-région sont priés « à conclure, dès que possible, des programmes formels avec le FMI afin de bénéficier de son appui ainsi que de celui des autres partenaires et financiers. » Concrètement donc, l’économie de la zone CEMAC est désormais entre les mains du Fonds, pourvoyeur de liquidités financières à une zone économique qui, logiquement, n’a rien à envier à aucun États du monde, au regard de ses potentialités humaines et économiques dans tous les domaines rentables.
Le sommet extraordinaire de Yaoundé aura permis de vivre en direct l’aveu d’impuissance des chefs d’États de la sous-région. « Les nombreux défis auxquels nos États font face et l’impérieuse nécessité de répondre efficacement aux attentes de nos populations nous ont parfois conduit à adopter des mesures urgentes mais inadéquates pour préserver les grands équilibres macro-économiques de nos pays, ainsi que la stabilité financière de la sous-région » a, de guerre lasse, confessé un Paul Biya dépassé par les évènements au point d’enfoncer le clou. « Si rien n’est fait, selon diverses expertises, nous pourrions faire face à des conséquences désastreuses, à la fois pour nos pays et pour notre sous-région. Il s’agit là, à mon sens, d’une éventualité que nous devons absolument éviter. »
Solutions de Déby père
En 32 ans, c’est la troisième fois que la CEMAC fait face à la question de la dévaluation de sa monnaie. Les premiers soubresauts remontent à août 1992. La dévaluation arrivera en 1994 malgré les petites menaces des ténors d’alors à l’instar de Paul Biya (toujours en poste), Omar Bongo, soutenus par d’autres tels le Sénégalais Abdou Diouf, le Burkinabé Blaise Compaoré, l’Ivoirien Houphouët Boigny.
La question de la dévaluation a ressurgi en 2017, moment où le FMI va se repositionner dans la zone. La même dévaluation de la monnaie a fait parler d’elle en 2024, et a trouvé comme à l’accoutumée des ersatz de solutions. Pourtant en 2017 par exemple, alors que le vent souffle très fort sur des réserves de change, Idriss Deby Itno va mettre sur la table des idées qui sont toujours évitées tant par ses pairs encore au pouvoir que par le FMI et ses bras séculiers.
Dans les colonnes de Jeune Afrique N°2925 du 29 janvier au 4 février 2017, l’ancien chef d’État tchadien confie. « Les uns déplorent le fait que nous, Africains, ne jouissions pas de notre souveraineté monétaire, d’autres répondent que rien ne saurait remplacer le franc CFA. Voici ma position : le moment est venu de revoir en profondeur les accords monétaires qui nous lient avec la France. Là-dessus je suis formel. Je ne renie pas pour autant le franc CFA, mais il doit devenir la vraie monnaie souveraine des États qui l’utilisent. »
« La situation actuelle, où le compte d’opérations des exportations de quatorze pays africains est géré par le Trésor d’un pays européen, fût-il l’ancienne puissance coloniale, ne peut pas perdurer éternellement. Cette période, qui dure depuis soixante-dix ans est dépassée. Il faut que les autorités françaises acceptent d’examiner avec nous ce qui, dans nos accords, marche ou ne marche pas. Le franc CFA est certes un facteur d’intégration très important, mais là où le bât blesse, c’est que nous n’avons pas la possibilité de placer ne serait-ce qu’une partie de nos ressources dans le circuit bancaire pour qu’elles génèrent des intérêts. »
« Les sommes en jeu se chiffrent en dizaines de milliards. Soyons lucides : la façon actuelle dont est géré le franc CFA est un frein au développement de nos pays. Réviser nos accords avec la France est absolument nécessaire et incontournable. »
En zone CEMAC, en dehors d’Idriss Déby Itno, aucun autre chef d’État n’a jamais affronté la question du compte d’opérations ou du franc CFA. De Yaoundé à Bangui en passant par Libreville, Brazzaville et Malabo, c’est l’omerta. Juste des mots de consolation de Paul Biya qui préfère les béquilles de partenaires. « Saisissons donc l’opportunité de cette rencontre [celle du 16 décembre 2024 à Yaoundé] pour adopter des mesures concrètes pour relever nos économies et assurer la stabilité de nos finances publiques (…) je ne doute pas qu’en ce moment difficile, nous pouvons compter sur nos partenaires au développement, qui ont toujours répondu présents chaque fois que nous avons sollicité leur aide. »
Une assistance, de l’avis de nombreux observateurs des questions économiques, qui sera encore et toujours demandée, tant que la mauvaise gouvernance est érigée en règle, le franc CFA en poste, et le compte d’opérations, entre les mains du Trésor français.
Aloys Onana